Deux échanges à quelques jours d’intervalle m’ont donné envie de reposter cet article publié le 15 décembre 2011 sous le titre légitimité et reconnaissance professionnelle.
Le premier, c’est avec une amie accompagnante. Elle reçoit de plus en plus de coachs et thérapeutes formés à des méthodes diverses et variées, qui rencontrent des difficultés dans leurs pratiques parce qu’ils se rendent compte qu’être accompagnant ce n’est pas seulement plaquer des théories/méthodologies sur des situations concrètes. Derrière il y a tout un questionnement pro et perso, tout un cheminement et un questionnement incessant qui amène à se remettre en question et ajuster son accompagnement en fonction des besoins des personnes qui viennent nous voir mais aussi en fonction de notre propre évolution personnelle.
Le second, c’est avec une personne que j’accompagne. Elle s’engage aujourd’hui dans un process de VAE pour obtenir un diplôme Bac+5 et mettre plus de chances de son côté d’obtenir un poste de responsable de développement commercial. Elle vient d’un pays où elle a exercé ce type de fonction pendant 10 ans sans disposer du diplôme en relation directe avec le poste. Elle a évolué au sein de différentes structures grâce à ses expériences et son expertise acquise sur le terrain, sans jamais être freinée par l’absence de diplôme. La découverte du « système à la française » est un vrai choc.
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Chaque fois que je passe à la station du métro Arts et métiers, cette phrase-pub du CNAM m’interpelle.
Elle m’interpelle parce qu’elle entretient, encore, l’idée que la légitimité et la reconnaissance des compétences dépendent uniquement du diplôme. Et que l’expérience « compte pour du beurre », si elle n’est pas validée par un diplôme. On existe aux yeux des autres (reconnaissance) et on se sent exister (légitimité) professionnellement parce qu’on détient un bout de papier censé valider des compétences et garantir qu’on fait bien son boulot. Et les autres nous accordent une légitimité et une reconnaissance au regard de l’existence, ou non, de ce bout de papier. Et aussi, souvent, de l’antériorité de notre parcours de vie…
Cette vision est bien ancrée en France. Elle conditionne encore tout un mode de pensée qui nous met dans des cases, réduit les champs des possibles et nie l’importance de l’expérience. Celle qui fait que nous apprenons, expérimentons, développons, corrigeons, améliorons…concrètement, au delà des livres et des théories.
Même quand une personne souhaite, après plusieurs années, faire reconnaitre son expérience, c’est la galère. Preuve en est le système de la Validation des Acquis et de l’Expérience (VAE) que je trouve génial, et qui pourtant, a bien du mal à percer. Il permet d’obtenir un diplôme « simplement » au travers de l’étude des expériences et des compétences développées par une personne au travers de ses expériences. Le parcours n’est pas aisé et les candidats ne bénéficient pas vraiment d’aide pour préparer leur dossier qui repose uniquement sur la mise en valeur de leurs expériences, des missions qu’ils ont mené et des projets qu’ils ont réalisés. Une de mes clients s’est ainsi vu fortement découragée d’entreprendre ce parcours de VAE, par un conseillé qui a jugé son parcours « trop décousu ». Or cette personne, depuis des années, suivait un fil conducteur au travers de ces différentes expériences : il suffisait juste de changer de paire de lunette pour regarder son parcours dans la globalité et avec un minimum d’ouverture d’esprit.
Pendant longtemps, j’ai moi aussi été persuadée que le diplôme était la panacée. Qu’il me fallait « apprendre » dans les livres et avec des professeurs, pour acquérir des compétences. De là, je pourrais alors me lancer puis évoluer dans la vie professionnelle avec confiance et assurance… Ce conditionnement m’a fait foncer tête baissée dans une formation professionnelle en RH, suite à un licenciement. J’avais déjà 10 années d’expérience dont 7 dans un service RH, « mais je n’avais pas de diplôme RH »! Certaines personnes ont tenté de m’expliquer que je n’en avais pas besoin à l’époque, que mon expérience était probante; mais je n’entendais pas.
En lieu et place de concret et d’humain, j’ai étudié des théories et des méthodologies alambiquées; dont je ne comprenais pas en quoi elles allaient m’aider à mieux appréhender les RH, à fonctionner « autrement » pour mieux répondre aux besoins des gens. En parallèle, je faisais un travail personnel et une de mes accompagnantes me répétait souvent « Fais les choses! Expérimente, fais entrer tes idées dans la matière, concrétise les. Et de là, tu avanceras et tu prendras confiance ».
Alors le décalage entre la fac (diplôme) et la réalité (expérience) s’est creusé et j’ai enfin commencé à comprendre et admettre que ma légitimité je l’ai construite et je la consolide au travers :
- de mes expériences terrain professionnelles depuis 20 ans, y compris celles que j’ai vécues lycéenne et étudiante (c’est étonnant de voir, quand on fait son parcours de vie, combien nous ne choisissons pas une voie par hasard) ;
- de mes expériences personnelles dans le monde du travail (licenciement, démission, emploi précaire, plan social…j’ai « testé » beaucoup de situations!) et de celles que je vis grâce à mes passions telles que les voyages et l’écriture;
- du travail personnel que je fais sur moi depuis plus de 5 ans au travers de différentes sortes d’accompagnement, qui me permet d’être de mieux en mieux avec moi même et donc avec les autres. Un élément d’autant plus important quand mon métier est d’accompagner des êtres humains.
Une formation longue, tout au long de la vie…! […]
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