Cet extrait de l’introduction du livre de Christophe DEJOURS – Le Choix : souffrir au travail n’est pas une fatalité” m’a marquée et interpellée.
Il questionne sur notre rapport au travail…et notre responsabilité dans le fonctionnement des organisations de travail et ce que nous y vivons.
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“Si les travailleurs s’en tenaient à l’exécution stricte des prescriptions (la fiche de poste – les procédures – les ordres – les objectifs fixés bref tout ce qui est censé constituer le cadre de travail d’une personne), s’ils étaient parfaitement soumis et dociles aux ordres, ils feraient ce qu’on appelle la “grève du zèle” et la production serait inévitablement en panne. Le zèle c’est la mobilisation d’une intelligence inventive grâce à laquelle le travailleur remanie les prescriptions pour se préparer à faire face à l’imprévu.
La conséquence de la découverte des sciences du travail, c’est qu’aucun atelier, aucune usine, aucune installation, aucune administration, aucun service, aucune entreprise et même aucune armée ne fonctionnerait sans le zèle des travailleurs […]. Il en résulte que le système économique ne fonctionnerait pas sans le zèle des travailleurs qui le servent.
Ce constat a quelque chose de tragique : le système, qui aujourd’hui génère une souffrance jusque là inédite dans le monde du travail, ne fonctionne que grâce à notre zèle et à l’intelligence que nous mettons tous à le faire perdurer. Nous sommes donc tous parties prenantes, que nous le reconnaissions ou non, dans la pérennité du système qui nous broie. Se trouve ainsi soulevée la question redoutable de la servitude dans le travail […].
Mais ce constat a une contrepartie essentielle : si le système fonctionne grâce à notre zèle, dont il ne peut absolument pas se passer, c’est qu’il n’est pas un système inexorable. Son fonctionnement dépend de notre consentement à le servir. Si nous ne consentons pas, il s’effondre“.
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Aujourd’hui, cette “grève du zèle” est de plus en plus perceptible, à bien des niveaux. Elle se traduit de manière différente mais le dénominateur commun est un un ras-le-bol.
Ras-le-bol de faire à la place de l’autre, de pallier un problème récurrent d’organisation ou de faire systématiquement plus que ce qui est demandé / ras-le-bol d’être sous pression, ras-le-bol de l’absence de reconnaissance, ras-le-bol de la violence du monde du travail et du porte-à-faux avec nos valeurs.
Ce ras-le-bol, nous avons le choix soit de le subir, soit de rester dans l’attente en espérant que la situation change en mieux, soit de s’en servir pour actionner un changement. Ce changement ne veut pas dire forcément tout plaquer et aller voir ailleurs. Il veut dire regarder ce qui se passe avec plus de conscience, oser dire les choses et se positionner malgré les peurs, voir sa part de responsabilité dans ce qui se joue et pourquoi pas, préparer un changement pour autre chose.
Ce texte nous met sous le nez le fait que nous sommes tous acteurs de ce qui se joue et nous y avons chacun notre part de responsabilité. Ca ne fait pas toujours plaisir de s’en rendre compte ou de se l’entendre dire, mais c’est une réalité.
Le système ne changera que parce que les individus qui le composent actionnent, à leur niveau, un changement de fonctionnement et de vision, et acceptent de prendre leurs responsabilités. La “grève du zèle” est un des signes que chacun bouge, comme il peut, pas à pas.
Merci d’avoir osé ce texte
Eh oui… La question est:
Pourquoi ce zèle???
Yes (-; Mais après quoi courrons-nous?