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L’importance du récit de vie
Quand nous racontons notre histoire dans un contentieux, nous ne pouvons pas nous dissocier des émotions que l’histoire a suscitée. Nous y mettons de la colère souvent, nous exprimons notre tristesse parfois. Dans tous les cas, nous “déballons” notre histoire comme nous pouvons, en oubliant souvent des morceaux ou en la réécrivant à notre manière (consciemment ou inconsciemment) à travers de notre vécu et ressentis personnels.
Si celui qui reçoit votre histoire ne se met pas dans l’écoute et la neutralité, il ne cherche pas plus loin que ce que vous lui dites. Il se fait son idée ou suit votre idée qu’il essaie de faire tenir dans un dossier comme il peut. Mais l’absence de structure et de cohérence se voit et se sent.
- Faire le tri, remettre les faits dans l’ordre sans rien omettre, faire les liens entre les éléments, voir émerger les arguments de manière logique et cohérente,
- Prendre conscience de ce qu’on a vécu, réapprivoiser petit à petit toute son histoire en levant les voiles, se sentir mieux pour en parler et se défendre, commencer à se “réparer”,
- Réussir au bout du processus à raconter son histoire d’une manière claire et synthétique qui soit compréhensible par des tiers qui ne la connaissent pas.
Voici tout ce que la pratique du récit de vie apporte dans la préparation d’un dossier de contentieux, y compris si vous avez l’intention de confier votre dossier à un avocat.
L’intérêt pour un avocat et pour un juge
Le dossier ainsi préparé permet à un avocat de bien comprendre toute l’histoire et ses détails dans lesquels peuvent se nicher des arguments juridiques ou des points sensibles particuliers. Il permettra aussi d’identifier les points sur lesquels la partie adverse peut rebondir et comment s’y préparer.
Pour les juges, bien connaitre les faits leur permettra de décider de la qualification juridique et de prendre un décision. Les juges du fond (pour les litiges en droit du travail, il s’agit des juges du Tribunal de Prud’hommes et de ceux de la cour d’Appel) disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation. Ca veut dire quoi? Ils examinent tous les faits, les arguments et les preuves apportées par chaque partie. Puis ils interprètent les faits et décident si tous ces éléments constituent une infraction, un manquement au droit.
Il est donc essentiel qu’ils puissent comprendre facilement et rapidement ce qui s’est passé et que le dossier soit structuré pour qu’ils s’y retrouvent le mieux possible, puissent faire les liens et avoir une vision d’ensemble claire. Une de mes clientes en charge de la préparation des dossiers pour les magistrats, m’expliquait combien il lui était parfois difficile de s’y retrouver dans un dossier. Dans ce cas, comment bien le préparer pour que le juge statue en quelques minutes?
Un cas concret devant les prud’hommes
L’histoire de Laurence est détaillée dans un article sur la mauvaise foi dans l’exécution d’un contrat de travail. Laurence m’a contactée pour préparer son audience devant la cour d’Appel après avoir perdue devant le tribunal de Prud’hommes. A la lecture du dossier, je n’ai pas compris l’histoire. Les conclusions (terme juridique qu’on pourrait traduire par dossier) rédigées par son avocat pour le Tribunal de Prud’hommes étaient incohérentes et avaient joué en sa défaveur.
Pourquoi? Deux éléments :
- parce que l’histoire n’était pas clairement posée, qu’il y avait trop d’approximations et de manques dans lesquels la partie adverse s’était engouffrée et qui avaient pu semer le doute et la confusion chez les juges sur la sincérité de la démarche de Laurence,
- parce que l’avocat axait tout sur le harcèlement moral mais sans apporter les éléments qui permettraient aux juges de reconnaitre juridiquement le harcèlement.
Reprendre toute l’histoire de A à Z a permis de :
- rédiger un récit de vie professionnelle claire et synthétique, sans zones d’ombres et sans incohérence, avec lequel Laurence se sentait 100% à l’aise;
- poser des demandes claires,
- mettre en face les arguments et les éléments de preuve à l’appui de ces demandes,
- poser des éléments de réponses concis face aux différents arguments invoqués par la partie adverse.
En parallèle, Laurence a été accompagnée pour préparer son intervention devant les juges sur la base de ce récit de vie retravaillé, et gérer le stress lié à cet évènement.
Le juges n’ont pas pu retenir le harcèlement moral, faute d’éléments suffisants (ce qui était malheureusement prévisible vu l’absence d’éléments suffisants). Mais grâce à tout ce travail, les juges se sont rendus compte que l’employeur n’avait pas été loyal, honnête et bienveillant; et ce tout au long de la relation de travail. Ils ont constaté le caractère anormal de la situation et ont recherché la qualification juridique qui correspondait à ces faits. C’est ainsi qu’ils ont retenu l’absence d’exécution de bonne foi et qu’ils ont reconnu la souffrance morale subie par Laurence.
Lorsque je me suis séparée du père de mes enfants, mon accompagnante m’a demandé de rédiger mon récit de vie maritale. Je l’ai transmis ensuite à mon avocate qui a beaucoup apprécié ce document.
Le rédiger à été ardu, mais il m’a bien aidé à clarifier ma situation et je comprends encore mieux aujourd’hui son importance grâce à ton article. Merci.
Merci Florence pour ton témoignage