Beaucoup de tensions et de conflits naissent d’une accumulation de non-dits ou de mal-dits. Une manière de dire maladroite et/ou perçu comme agressive par l’autre personne. Une tentative de dissimuler son état émotionnel, de lisser pour faire “comme si de rien n’était” (sauf que l’autre perçoit bien, avec ses antennes, que quelque chose ne va pas 😉 )
Qu’est-ce qui se cache derrière? Comment faire pour réussir à dire sans agresser la personne qui se trouve en face, pour instaurer un vrai espace d’expression, d’écoute et d’échange?
Sommaire
La difficulté à exprimer ses émotions
Pourquoi est-ce si difficile de dire à quelqu’un (mais aussi de se dire à soi-même) j’ai peur, je suis triste, je suis en colère, j’ai honte, je suis joyeux? Pourquoi cette difficulté à exprimer ses émotions? Parce qu’on ne se rend pas compte de l’émotion soulevée, parce qu’on a peur ou honte de l’exprimer, parce qu’on se dit que ça ne sert à rien
Dès notre plus jeune âge, nous apprenons à réprimer nos émotions. “Ne pleure pas”, “soit fort” nous formatent très tôt. Et puis nous apprenons aussi à les taire par peur de faire de la peine, de se faire punir, d’être rejeté. Adulte, nous avons conservons cette inhibition, cette difficulté voir cette incapacité à exprimer nos émotions.
Mais les émotions contenues finissent par bouillonner à l’intérieur. Et là de deux choses l’une: soit elles sortent violemment, soit elles abiment à l’intérieur en générant stress et maladies diverses. Et leur non-expression continue à polluer nos relations au quotidien.
Le “message-je” à la place du “message-tu”
Le message-je est l’un des premiers outils de communication non-violente appris en médiation. Partir de ce que JE RESSENS suite à une situation vécue avec un tiers. Et non de ce que l’autre (TU) a fait et qui m’a mis dans cet état émotionnel. Sans oublier de resituer le contexte, la situation qui a déclenché cette émotion. L’équation = MESSAGE JE + CONTEXTE. Un exemple concret pour illustrer :
- Message-tu : “Tu es vraiment pénible et tu n’as aucune considération pour les autres!”
- Message-je : ” Je suis agacée (ressenti) quand tu parles fort pendant que j’écoute les nouvelles (contexte). Je n’entends rien (effet)”
Est-ce que vous sentez-la différence?
Dans un cas, l’interlocuteur se sent immédiatement attaqué, jugé. Il est considéré comme le responsable direct de notre état. Sa réponse est souvent l’attaque, pour se défendre de ce qu’il peut percevoir comme une agression.
Dans l’autre cas, il reçoit le message d’un ressenti, souvent exprimé de manière plus douce et plus posée. Celui qui s’exprime garde la responsabilité de son état, il ne le fait pas porter à l’autre. Se faisant, il ouvre la porte à une écoute de l’autre, puis à un dialogue.
Les faux-amis
Les faux-mais sont les tournures qui paraissent traduire un ressenti mais qui en réalité véhiculent un jugement ou des accusations. Par exemple :
- “Je trouve que tu”
- “je suis agacée parce que tu parles fort” = le “parce que” renvoie à l’idée que l’autre est le responsable de notre agacement, de notre état émotionnel. C’est parce que tu as fait ça que je suis dans cet état. Remplace le “parce que” par “quand” ou “lorsque” introduit une nuance importante, pas forcément facile à expliquer. Le mieux pour le traduire est d’essayer les deux tournures et de ressentir la différence
- “je me sens agressé, je me sens blessé”. La blessure ou l’agression n’est pas une émotion
- “je me sens nul, je me sens stupide”. Il ne s’agit pas d’émotion mais d’un jugement de soi sur soi.
Exercices pratiques 
Le message-je n’est pas facile à mettre en place, car le “tu” et les faux amis reviennent très vite dans la conversation. Il demande de s’entraîner pour communiquer autrement.
Envie d’essayer?
Commencez par écrire les choses comme elles viennent. C’est une première phase “défouloire” et qui permet d’exprimer tout ce qu’on a sur le coeur. Puis entourez les “tu” et les faux amis. Posez vous et essayer de voir comment vous vous sentez avec cette version 1. Puis regardez l’émotion que la situation a suscité chez vous. Et essayez de la traduire en mots : JE+CONTEXTE. Et là, essayez de voir comment vous vous sentez avec la version 2.
Merci pour cet article; Je partage complètement le fait que nos émotions non exprimées ou mal exprimées peuvent nous entrainer dans des situations ingérables par la suite…Le véritable changement provient d’une prise de conscience, et des tentatives pour transformer sa manière d’aborder les événements, de dire les choses autrement sans “agresser” autrui.
Pourtant, il serait bon de préciser, que malgré tous les efforts possibles il peut arriver que l’on ne parvienne pas à un échange harmonieux. On peut avoir à faire à un collègue complètement hermétique et qui ne perçoit même pas tous les efforts menés pour que tout se passe bien et qui de surcroit s’estime bien plus légitime que vous.
le dialogue n’est malheureusement pas toujours possible. Tout n’est qu’apparence !!! le travail est fait, l’employeur est content ou ne veut rien savoir !
J’en connais des dizaines dans cette situation, et leur parler d’exprimer leurs émotions c’est la porte ouverte à toutes les dérives !!!
Le monde du travail n’est pas celui du développement personnel.
Bonsoir Lou
Merci pour votre commentaire. Je vous rejoins, un collègue peut-être hermétique. Mais cela n’empêche pas de s’exprimer. Je ne le fais pas pour l’autre, je le fais avant tout pour moi. Pour me positionner. Si cela à un impact sur ma relation à l’autre et sur la situation, tant mieux. Si cela n’en a pas, la démarche aura toujours un effet. Direct ou indirect. Et elle me permettra personnellement de faire un pas.
Actuellement je vois plus de plus de personnes dans des situations complexes et difficiles du fait de l’absence totale de communication ou d’une mauvaise communication. Parce qu’elles n’ont pas osé dire ce qu’elles vivaient et ressentaient, elles se retrouvent aujourd’hui au bord du licenciement ou du burn-out (voir les deux malheureusement). A contrario, celles et ceux qui osent exprimer voient d’une manière ou d’une autre la situation changer et s’arranger. Mais pour se faire, ils acceptent de se faire accompagner sur un bout du chemin et de dépasser la peur