Merci beaucoup à Marie-Lore Staudt pour la découverte de cette vidéo de Vincent de Gaulejac où il (dé)montre les dérives de la vision “gestionnaire” qui s’est infiltrée dans toutes les composantes de notre vie, et ses conséquences, notamment dans le monde du travail.
Elle fait du bien parce qu’elle met des mots sur un mal-être, un malaise, un ressenti que chacun d’entre nous peu ou a pu ressentir un jour dans son travail; et nous dire que ce n’est pas uniquement nous qui avons un problème, comme le monde du travail et la société essaie encore (trop) souvent de nous le faire croire. Comme dit une personne à la fin de la vidéo “Votre livre m’a touché (la société malade de la gestion) et m’a aidé quelque fois à surmonter le quotidien, en me disant que parfois, ce n’était pas tout dans ma tête”.
Elle me donne de la force car elle vient faire un écho puissant à ce que j’ai vécu et à qui m’a poussé à créer RH Autrement en remplaçant le R de Ressources par le R de Relations et l’Homme ressource par les ressources de l’Humain.
Cette petite synthèse vous donnera quelques grandes lignes et quelques phrases clés de cette vidéo dense, que vous pouvez directement visionnée en bas de l’article.
Sommaire
L’idéologie de la gestion
Pour Vincent de Gaulejac, “la gestion est un ensemble de techniques qui paraissent neutres mais qui ne sont pas neutres du tout car derrière ces techniques il y a une représentation du monde et l’apparition d’une nouvelle manière de gérer les hommes et les femmes, d’organiser la production”. Sachant que “l’ensemble de ces représentations se met au service d’une forme pouvoir”. La gestion des ressources humaines est pour lui un des exemples de la déclinaison de cette idéologie.
Cette idéologie a petit à petit amené “un renversement des rapports entre l’économique et le social qui fait que maintenant, c’est le développement de la société qui doit se mettre au service du développement économique. Alors qu’on pourrait penser que le développement économique n’est que l’un des moyens du développement de la société”.
Quelques exemples de dérives gestionnaires :
- Le parler creux sans peine. Didier Noyé a mis au point un tableau qui permet de créer des phrases conceptuelles impressionnantes mais totalement vide de sens. De ces phrases qui font qu’on se prend la tête des heures en se disant que nous avons certainement un problème pour ne pas comprendre concrètement ce que la phrase veut dire…Une des caractéristiques de la gestion. Essayer en cliquant sur ce lien les résultats sont impressionnants…et je suis sûre que vous y retrouverez des échanges de votre quotidien professionnel,
- la quantophrénie. “Les concepts (leadership…) sont déclinés en sous-critères puis en indicateurs, puis en items. Tout cela à quoi? à classer, à ordonner, à instrumentaliser. C’est-à-dire à traduire toutes les activités humaines sur le modèle du traitement et de la gestion des choses, de ce qui est mesurable, partant du principe que quand la réalité est traduite en terme mathématiques, on arrive à la saisir et la maîtriser. Se faisant, on exclue tout ce qui n’est pas mesurable, ce qui est justement, la plupart du temps, ce à quoi les personnes sont attachées : la dignité, l’amour et l’honneur”. Combien ça coûte, combien ça rapporte, combien de temps ça prend? Vous ne pouvez pas répondre? Alors ce n’est pas sérieux…
Un exemple : l’idéologie de la gestion des Ressources Humaines
“Un certain nombre de facteurs sont pris en compte par l’entreprise dont le facteur humain. Ceci revient à considérer l’humain comme une ressource de l’entreprise qu’il faut développer pour développer la rentabilité et l’efficacité de l’entreprise; et non à considérer, comme toute personne de bon sens, que c’est plutôt l’entreprise qui est un facteur de l’humain, une ressource pour développer la société”.
“On pourrait penser que l’entreprise est un moyen pour développer le bien-être, la capacité des hommes et des femmes de vivre ensemble le mieux possible. Et pourtant c’est l’humain qui est devenu une ressource et donc un moyen pour le développement de l’entreprise et de l’économie”.
Pourquoi la gestion rend malade?
“La culture de l’excellence met tout le monde dans une concurrence acharnée du toujours plus, toujours mieux”. On considère qu’atteindre l’excellence est normal. Machine infernale destructrice. Les gens sont sous pression. La culture de la haute performance produit notamment le harcèlement, le stress, la culture de l’urgence, une logique d’obsolescence des produits mais aussi des outils, des savoirs, des techniques, des usines et des hommes qui ont contribué à produire.
Le harcèlement moral
Suite aux travaux de Marie-France Hirigoyen qui met en avant le comportement pervers du harceleur, la loi condamne désormais ce comportement. “Mais pourquoi ce bouquin a-t-il eu autant de succès? Cela voudrait dire que nous avons des centaines de milliers de pervers en liberté dans notre société? C’est tout simple : quand nous sommes mis sous pression, dans des situations paradoxales, dans l’exigence du toujours plus, chacun d’entre nous, même “parfaitement normal”, devient soit harceleur soit harcelé. Le harcèlement devient un phénomène social et non plus un phénomène psychologique qui serait lié à des comportement pervers. Ces systèmes sollicitent la perversion”.
La culture de l’urgence
“Pour améliorer le productivité, il faut réduire les effectifs, les poches de productivité. Cela produit un système dans lequel les gens qui travaillent crèvent de trop travailler, et les gens qui n’ont plus de travail crèvent de ne pas travailler”.
“Ne continuons pas à entretenir l’idée que la croissance serait la solution au problème du chômage et de l’exclusion, alors que la croissance détruit autant d’emplois qu’elle en produit sinon plus”.
A méditer
“On a le nez dans la guidon, on sait qu’on va dans le mur, et on pédale de plus en plus vite. Les gens ont bien conscience qu’ils sont dans un système qui devient de plus en plus insensé, et ils sont impuissants à en sortir. Ils disent qu’ils sont impuissants à en sortir et que c’est inéluctable, et en même temps, ils participent tous les jours à le faire fonctionner. Il faut bien comprendre que cela ne fonctionnerait pas si chacun d’entre nous ne faisait pas fonctionner ce système”.
Question du jour : avez-vous envie de continuer à faire fonctionner le système? Si la réponse est “non”, la bonne nouvelle est qu’il existe des solutions. Simplement elles se mettent en place à l’échelle individuelle, car c’est à chacun d’entre nous d’être le changement qu’il souhaite voir dans ce monde.
Merci d’avoir pris la peine de résumer ses propos.
Merci également pour ta conclusion pleine d’espérance.
Sortir de ce système demande du courage mais notre santé physique et mentale en vaut la peine. Je n’aurais jamais cru en être capable mais finalement, avec de l’élan et de bons accompagnants (dont tu fais partie) cela a été possible 🙂